Contact avec l'exterieur

Vladimir entra dans la Maison Thao. Pour lui, tout était nouveau : il n'avait pas eu beaucoup de contact avec le monde extérieur auparavant, en raison de sa "maladie" qui réduisait considérablement les hypothétiques relations avec d'autres êtres vivant. Mais cela, il n'y pensait pas : il avait oublié qu'il avait oublié. Son subconscient l'avait réfuté et dégagé comme un grain de poussière dans une chambre qui sort d'une confrontation avec la femme de ménage.
Mais revenons a Vladimir. Il souriait a pleine dents : finalement, ses parents avaient peut-être eut une bonne idée en l'envoyant dans cet endroit. C'est beau. C'est coloré, et les subtils effets de lumière sur le cristal donnait l'impression au grand hall de baigner dans une douce source de feu scintillant. Les meubles, tous anciens, étaient disposés de tel sorte qu'ils se fondaient dans un décor de toute évidence bourgeois. Et Vladimir n'avait pas l'habitude d'une telle profusion de richesse et d'opulence. Il avait l'habitude du gris, du blanc et des mornes nuages encombrant un ciel sans soleil. Il avait l'habitude des bâtiments en ciment nu, des carreaux sales et cassés, des portes en bois chétif et lumières électriques brutales.
Son regard se jetait sur tout ce qu'il pouvait : un chandelier en or, un meuble en chêne massif, une bougie en simple cire,...
Une bougie.
Qui brûlait. Qui brûlait, qui faisait chaud, qui faisait très chaud, qui faisait trop chaud, qui faisait mal, qui faisait mal, qui faisait mal, non non non pas la bougie pas la cire pas la cire qui est chaude et qui brûle et qui brûle et qui traverse la chair et qui fond et qui fond et qui fond...

"Travaille, petit con, travaille ou tu y goute encore, a la bougie !!!"

Vladimir se réveilla, étendu sur le sol. Il se releva, et poussa un bref cri en sentant une douleur lancinante dans la tête. Il regarda la salle, sans penser. Le meuble sur lequel reposait la bougie il y a quelque instant était détruit, sauvagement fracassé a coup de poings et de pieds. La bougie, elle, était...
Quel bougie ?
Zut, je me souvient pas.
Ba, si je m'en souviens pas, sa devait pas être important.
Vladimir s'assit et pleura, sans savoir pourquoi.

Le regard rêveur, l'air complètement ailleurs, un espèce de sourire dément aux lèvres, Sophocles descendait les grands escaliers. Il commençait sérieusement à s'ennuyer, ici. Cela faisait longtemps depuis son arrivée, et il avait rarement eut l'occasion de se distraire un temps soit peu. Marche après marche son pas résonnait dans le hall avec force, il aimait faire du bruit et claquait volontairement ses talons à chaque fois qu'il descendait. Arrivé en bas il jeta un regard circulaire au vaste hall complètement vide ...

Enfin, presque complètement. Non loin un jeune homme, semblait-il, était assis au milieu du hall, secoué de sanglots.

"Tiens, tiens ... mais qu'avons nous là? ..."

Sophocles sourit, encore un petit nouveau effrayé et totalement paumé ... peut-être pourrait-il enfin, se dérider un peu. Il s'avança jusqu'à hauteur du jeune homme, aux cheveux étrangement blancs, se mit devant lui et s'accroupit. Il le regarda dans les yeux, le garçon était toujours en train de pleurer. Sophocles tendit la la main et lui mit l'index sur le front, poussant légèremment la tête du jeune homme, avant de retirer son bras.

"Et alors mon chou ... on à un gros chagrin?"

Demanda t-il, sur un ton qui dissimulait fort mal, le sarcasme. Sophocles pencha la tête vers la droite et eut un regard faussement attendrissant.

"Et alors mon chou ... on à un gros chagrin?"

Vladimir le regarda, et sauta a son cou. Il pleura longtemps, ou du moins assez de temps pour dégueulasser le t-shirt de l'inconnu. Il ne savait pas pourquoi il pleurait, mais ça faisait du bien de pleurer sur quelqu'un, comme sur sa mère. Son subconscient décida arbitrairement que cette personne était bonne, gentille et que, tant qu'a faire, ce serai sa mère. Ou l'équivalent. Voila.
Quand Vladimir arrêta de pleurer, il s'essuyât les yeux, et dit timidement a l'inconnu, dans un anglais approximatif :

"Bonjour Monsieur. Vous êtes gentil. Merci. Vous êtes qui, excusez moi ?"

Et il réussi a sourire, d'un de ces sourires qui vous disent "salut, je suis gentil, naïf et complètement démuni. Soyez gentil avec moi, et je vous serait reconnaissant pour toute la vie".

Pendant ce temps, la mère de Vladimir recherchait sur internet une page web qui lui dirait comment envoyer une lettre a l'établissement Thao, et ne trouvait pas. Ou Google lui disait : Les termes de recherche spécifiés -Thao- ne correspondent a aucun document. Suggestion : ...
Et elle se disait que, finalement, c'était peut-être une mauvaise idée de l'avoir envoyé là-bas.
Surtout qu'elle se souvenait pas du chemin pour y aller.

A peine Sophocles avait-il terminé sa phrase que le garçon se jeta sur lui en larmes, dégueulassant toute sa blouse. Sur le moment, il resta quelques secondes sans bouger encore surpris par cette étrange réaction, puis secoua la tête avant d'essayer de repousser ce pleurnichard, en vain. Heureusement, celui-ci finit par se décoller tout seul enfin un peu calmé semblait-il, du moins il ne pleurait plus.

"Purée le môme, qu'est-ce qu ..."

Le jeune homme renchérit et laissa Sophocles à bout de souffle. Il comprit de suite pourquoi on l'avait envoyé dans cette maison de fous, aucune personne saine d'esprit n'aurait l'idée de considérer Sophocles, comme étant quelqu'un de 'gentil'. Celui-ci le regarda quelques secondes, avec un air mêlant l'étonnement et la frustration d'avoir été qualifier comme tel. Puis, déduisant qu'il n'avait que des bénéfices à tirer de ce petit niais, il se releva et dit sur un ton attendrissant, très bien imité cette fois.

"Appelle moi Sophocles ... je suis là pour m'occuper de toi, afin que les gens d'ici ne t'embêtes pas."

En d'autre termes, ça revenait approximativement à : 'Je suis ton maître et tu feras un excellent petit esclave, soi-disant sous ma protection, dans cette baraque de tarés.'

"C'est quoi ton nom?"

"Appelle moi Sophocles ... je suis là pour m'occuper de toi, afin que les gens d'ici ne t'embêtes pas."
"C'est quoi ton nom?"

Vladimir respira par saccades encore quelques instants, essuya ses larmes et renifla bruyamment. Puis son visage, lentement, mais inexorablement, s'éclaira d'un large sourire indubitablement naïf. Son petit monde, qui un instant avait dangereusement vacillé, mais maintenant avait trouvé un autre centre de gravité. Vladimir avait beau avoir 15 ans, il avait l'âge mental d'un gosse de neuf ans. Et encore. Même les gosses de neuf ans savent reconnaître un S.S.S.C (Sadique Salopard Sans Cœur). Mais Vladimir ne voyait qu'un gentil monsieur qui allait le protéger dans cet établissement apparemment dangereux. Il répondit assez timidement :

"Vladimir, Monsieur. Je m'appelle Vladimir Koroïski, je viens de Moscou. Mais, pourquoi cette école, elle est pas bien, Monsieur.
Au fait, Monsieur, c'est quoi votre nom ?"

Parce que c'est vrai, ça, il savait pas comment il s'appelait, le monsieur, et c'est embêtant d'appeler son sauveur tout le temps "Monsieur". Sa mère lui avait appris les bases du respect, qui se caractérise par l'échange de noms, d'adresse, de numéro de téléphone, et parfois d'insultes, quand le processus a merdé quelques part.

Reniflant bruyamment, le gosse sembla se calmer et finit par répondre. Un russe ... qu'était-il donc venu faire jusqu'ici. Pendant un moment, Sophocles se dit qu'après tout, cet endroit devait représenter le lieu unique dans lequel des parents pouvaient placer leur derniers espoirs. Aucune institution n'était capable de résoudre certains dérangement psychologiques et la Maison Thao affirmait le contraire. Mais mieux valait mourir fou avec sa famille que de venir ici sans plus jamais pouvoir repartir.

"Je viens de te le dire, je m'appelle Sophocles ... et mon nom de famille ne te servira à rien, crois moi."

Il le regarda un moment, se demandant s'il était lent d'esprit, ou tout simplement distrait. Sophocles l'aida alors à se relever et continua.

"Pourquoi es-tu ici?"

Bien qu'il se doutait, qu'il n'en savait strictement rien, à le voir ainsi, il avait été emmené sans trop d'explications.

"Je viens de te le dire, je m'appelle Sophocles ... et mon nom de famille ne te servira à rien, crois moi.
Pourquoi es-tu ici?"

Ah, il s'appelait Sophocles... C'est beau. Mieux que George, en tout cas. Vladimir n'aimait vraiment pas ce nom. Il le trouvait trop... pompeux. Trop classique. Vladimir aimait la nouveauté, l'originalité, et toute ces choses qui rendaient la vie plus vivante.
Mais pourquoi il était ici, au fait ? C'est une bonne question...

"T'es ici pour bosser, petit con."

Les yeux de Vladimir étaient emplis d'une haine et d'une cruauté sans limite. Il s'approcha de Sophocles, le regarda avec cet air de mépris qu'on les humains en regardant les mouches voler autour d'eux, et continua :

"Toi et moi, on est ici pour bosser jusqu'à ce qu'on crève, mon con. Alors, en attendant bien sagement la mort, si on prenait du bon temps ? T'aime les petits enfants ?"

Pendant ce temps, Vladimir s'était assis par terre, et commençait à déboutonner sa chemise, qu'il jeta négligemment par terre. Puis il reprit :

"Et bah, qu'est-ce que t'attends ? Dessape toi."

Soudain, sa figure fut déchiré par une horrible grimace. Il hurla a la mort, se jeta par terre et gigota dans tout les sens, agité de soubresauts. Puis il s'immobilisa, et se détendit. Un ronflement sonore se fit entendre.
Vladimir venait de s'endormir.

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